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Les tableaux à la craie chez Mary Poppins

31 Août

Quand j’étais petite, j’avais une nounou qui s’appelait Astrid. Elle chantait comme un pinson, m’a appris à faire la révérence comme une princesse et à marcher avec un livre sur la tête. Bref. Astrid était fan de Julie Andrews et pour m’occuper, elle me passait souvent La Mélodie du Bonheur et Mary Poppins. Deux films à base de nounous qui chantent, une mise en abime d’elle-même quoi. Sauf que moi, ma chambre ne se rangeait pas toute seule.

Scène Culte #10 : Les tableaux à la craie chez Mary Poppins julie andrews mary poppins 645615

Contexte : Londres, 1910. En pleine époque victorienne, Londres est surpeuplée et prestigieuse, avec une présence militaire et navale très forte (d’où le voisin de la famille Banks, l’Amiral Boom, retraité de la Marine Royale qui tire des canons depuis son toit) et les suffragettes (dont fait partie Mrs Banks) militent pour le droit de vote de femmes.

La situation économique et politique étant en plein essor, Mr et Mrs Banks n’ont pas vraiment de temps à consacrer à leurs mouflets. Ces derniers font fuir toutes les nounous  et écrivent leur propre annonce décrivant la nounou idéale. Le père en fait des confettis et la jette dans la cheminée. Les morceaux de papiers s’envolent très haut dans le ciel, jusqu’à un nuage sur lequel la belle Mary Poppins se repoudrait gentiment le pif. Une nounou pas comme les autres qui va descendre chez eux fissa, s’imposer et remettre les enfants sur le droit chemin en embaumant chaque devoir d’une couche de sucre Comprendre : on peut faire le truc le plus chiant de telle façon que, finalement, ça passe. L’exemple de la pomme flétrie changée en pomme d’amour.

Notre affaire commence par la scène où l’on voit le beau Bert (Dick Van Dyke) dessiner à la craie des fresques colorées sur le sol bien gris de Londres en chantant « j’aime tout c’que j’dessine car j’dessine que c’que j’aime » et ajoute « sans rémunération, j’travaille très heureux ». Un personnage en totale marge de la société britannique en cette époque fastueuse. Et ce sont devant ces tableaux, faits pour rien – sans arrière pensée financière – que Mary Poppins retrouve son ami Bert (d’où se connaissaient-ils ? on n’en sait rien, c’est au spectateur de le deviner). Elle emmenait Jane et Michael se promener au parc, mais Bert la titille en sous-entendant « Mary Poppins ? S’abaisser à aller dans un parc publique? Alors qu’elle peut faire tellement, tellement mieux… ». Elle cède, et pouf :

En réalisant Mary Poppins (1964 – le 23e Disney), le réalisateur Robert Stevenson était très clair : rien de réel (ou presque).  Alors ok, on est à Londres, on l’a assez bien deviné avec la tenue des policiers, l’amour du thé et les beaux plans du générique, des peintures de vues aériennes de Londres. J’en appelle à vous, disneyphiles : vous pourrez vous amuser à regarder, c’est de cette façon que commencent beaucoup de Disney des années 50 à 60, Alice au Pays des Merveilles, Peter Pan, Les 101 Dalmatiens, par exemple. BREF. On est à Londres, mais dans un studio en carton pâte type Broadway. Plus faux, tu meurs. Ça + ces trucages incroyables (quand elle monte l’escalier assis sur la rampe ou dans la chambre, la table de dinette renversée sur le sol qui se relève d’un coup : merci la marche-arrière) + surtout : le passage au dessin animé !

C’est le passage le plus « magique » du film, qui est présent depuis les plus vieux courts-métrages de Walt Disney (que l’on retrouve aussi en force dans La Mélodie du Sud, bien avant Mary Poppins). En gros : les dessins sont fait à part, comme un dessin animé normal, et les acteurs filmés devant un fond vert (oui, ils faisaient leurs mouvement dans le vide), et puis on superpose par ordinateur les deux trames. Un truc assez classique et utilisé partout maintenant, mais à cette époque ça faisait son petit effet. Vous pourrez remarquer que certains dessins sont un peu transparents, ils ont été mis au dessus des « vraies » images des acteurs, donc un effet calque.

Mais ce procédé de « personnes réelles » dans un dessin animé, c’est un rêve d’enfant (et même de grands enfants, ne rougissez pas, je sais que vous mourrez d’envie de faire une course de chevaux de bois vous aussi). En plus, Bert marche sur les genoux avec son pantalon beige et n’a pas une trace de saleté. Miracle du cinéma!

C’est l’exploitation des rêves d’enfant qui fait le business de ce cher Walt depuis des décennies, et Mary Poppins met largement les bottines dans le plat, à tous les niveaux. Une nounou qui leur chante « Stay awake » (Ne dormez pas) en guise de berceuse, range une chambre en claquant des doigts, nous fait prendre le thé au plafond, ce n’est quand même pas rien. Surtout pour le terre-à-terre Mr Banks (qui représente, quant à lui, le confort – il est banquier – et la « vie aisée » que chacun recherche à cette époque) qui se demande chaque soir si la nounou a filé à ses gosses des champis hallucinogènes au goûter.

Pitch du film : Mr Banks, un banquier busy busy et sa femme, grande militante de la cause féminine, ont d’autres chats à fouetter que de s’occuper de leurs enfants, Jane et Michael. Une jeune femme se présente pour le poste de gouvernante et va faire régner l’ordre grâce à son charme et à ses pouvoirs un peu chelou.

A savoir : David Tomlinson (Mr. Banks, le papa, donc) prête également sa voix à l’un des serveurs pingouins, à un jockey de la course de chevaux et au parapluie perroquet de Mary Poppins. | A la base, Fred Astaire devait jouer le rôle de Bert. | 21 autres chansons ont été composées pour le film et n’ont pas été utilisées (les boules). | Quand Astrid est partie, j’étais en CM2 et j’ai vachement pleuré.